Avec Black Panther : Wakanda Forever, Marvel Studios fait face à deux défis. Le premier, donner une suite solide à l’un des plus gros succès de l’histoire du cinéma après 4 ans d’attente. Le second, évidemment, composer avec l’absence du regretté Chadwick Boseman, décédé il y a deux ans d’un cancer du côlon.

 

 

Le script de la sequel est déjà bien avancé lorsque l’équipe du film et le reste du monde apprennent avec tristesse la mort de Chadwick Boseman, qui combattait en secret la maladie depuis plusieurs années déjà. Impensable pour la production de « recaster » le héros charismatique, intégré au MCU depuis Captain America : Civil War (2016). C’est donc sur son casting féminin, et en particulier la jeune Letitia Wright, que repose dorénavant le futur de la franchise.

La fiction rejoint la réalité puisque c’est dans un Wakanda en deuil que s’ouvre le film, après la disparition brutale du roi T’Challa. Jamais un film du MCU n’a revêtu une atmosphère aussi tragique, les drames du destin étant au cœur de l'histoire. Le récit déroule ainsi le deuil de quatre personnages féminins forts à commencer par Shuri, qui passe du statut secondaire au personnage principal. Un choix dans la logique de l’évolution de l’héroïne dans les comics, mais également pour l’un des fan-favorite du premier opus. Un héritage peut-être un peu précoce pour Letitia Wright, dont la carrure souffre fatalement et presque injustement de la comparaison avec Boseman. Heureusement, l’actrice peut compter sur l’aura d’Angela Bassett, qui campe avec force et audace une Reine Ramonda meurtrie. On retrouve également avec plaisir les sublimes et charismatiques Danai Gurira et Lupita Nyong’o dans les rôles d’Okoye et Nakia, toujours plus étoffés. Enfin, Dominique Thorne introduit avec réussite Riri Williams, alias Iron Heart, dévoilant un avenir prometteur pour le personnage dans sa série spin-off.

 

 

Outre les cicatrices de la mort, ce sont aussi les menaces de la guerre et le poids des tensions politiques qui griffent le Wakanda. Sans la protection du Black Panther, les puissances mondiales tentent par tous les moyens de dénicher le précieux vibranium, sans se douter qu’ils réveillent une nouvelle menace venant des abîmes, le puissant Namor. Bien que l’histoire et le visuel du personnage campé par Tenoch Huerta dénote grandement avec celle des comics, la complexité du Prince des Mers est intacte. La confrontation avec les protectrices du Wakanda donne des bases solides au récit et altère les frontières manichéennes du bien et du mal, pour laisser place à des émotions plus réalistes comme la peur ou la vengeance.

 

 

Si l’émotion est le pilier de Black Panther : Wakanda Forever, les scènes d’actions accélérent de façon salvatrice un rythme souvent lent, et permettent d’apprécier le Wakanda et les prouesses technologiques impressionnantes de ses habitants. L’introduction du peuple de Talocan oriente le MCU vers un nouvel univers qui sera décidemment bien mis en valeur ces prochains mois au cinéma : le monde sous-marin. L’occasion pour Marvel Studios de montrer sa compétence sur les effets spéciaux, avec des scènes marines particulièrement réussies, les quelques faux-pas visuels étant surtout attribuées aux pirouettes aériennes des antagonistes. Il faut dire que le réalisateur Ryan Coogler, de retour à la caméra, soigne son film comme un petit bijou visuel. La photographie et la lumière sont particulièrement soignées et finement mises en musique par Ludwig Göransson. On appréciera également en contexte le nouveau titre de Rihanna, « Lift Me Up ».

 

 

Jamais Marvel Studios n’aura si bien porté le noir. Le respect immense de la production et du casting envers Chadwick Boseman est intensément palpable, dans un film qui tente de gérer l’héritage meurtri d’une franchise à la recherche d'un nouveau souffle, tout en rendant hommage à son héros disparu. Un exercice si délicat qu’il force l’admiration, et conclut solidement une Phase IV décidément déstabilisante.