Il aura fallu pas moins de 7 ans de développement pour voir
Cruella arriver enfin sur les écrans. Certes, il y avait
l'expérience de
Maléfique, qui avait rencontré un véritable succès
commercial en 2014, mais au détriment de l'esprit du personnage. Il
faut dire que la "tâche" est plus ardue pour la méchante iconique de
Les 101 Dalmatiens, car cette fois-ci il n'est pas question de faire
passer la vilaine du côté des gentils. En voilà un projet audacieux
!
L'audace, voilà clairement un adjectif qui qualifie parfaitement le film.
Tout commence par une histoire audacieuse, car
Cruella ne se contente pas de
raconter l'histoire des 101 Dalmatiens du point de vue de la méchante, mais
offre, sous la forme d'une préquelle, un synopsis complètement original. Nous
voilà plongé dans le Londres des années 70, à la rencontre de la jeune Estella,
résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode après avoir vécu une enfance
bouleversante. Aidée par ses complices Jasper et Horace, ses créations se font
remarquer par la baronne von Hellman. Ainsi,
Cruella endosse parfaitement son
rôle d'origin-story, en s'offrant le luxe de respecter à la fois le personnage
animé de 1961 mais aussi la mythologie née de l'interprétation inoubliable de
Glen Close dans les années 90.
Avec son scénario crédible, complexe et audacieux,
Cruella mélange
avec équilibre les univers, passant du hold-up à la Ocean's
Eleven, à la comédie baroque et cynique de Le Diable
s'Habille en Prada, sans oublier la tension psychologique d'un
Joker. Encore plus surprenant, la part sombre de
Cruella n'est jamais édulcorée. Au fil du film, la jeune Estella,
attachante et volontaire, est envahie par les ténèbres, avec sa
méchanceté, sa folie, ses excès. Une vision incroyable pour un film
portant le label Disney, mais qui assure le plein respect du
personnage. Une transition nécessaire et géniale car elle accompagne
le spectateur, si bien que l'on reste attaché à l'affreuse Cruella,
malgré ses travers. Néanmoins, certains éléments du film pourront
choquer les plus jeunes spectateurs qui ne saisiront pas les
subtilités du projet.
L'habileté du scénario ne serait rien sans l'incroyable duel
d'actrices que livre
Cruella. Emma Stone endosse
les rôles d'Estella puis de Cruella avec un naturel et un réalisme
saisissant. Sa rivalité toxique avec Emma Thompson,
incroyable Baronne, crève l'écran. Joel Fry et
Paul Walter Hauser soutiennent avec respect les
nouvelles versions de Jasper et Horace. Une nouvelle étape est
également franchie dans
Cruella pour la visibilité des personnages
LGBT, avec l'audacieux Artie (John McCrea). Sans
oublier l'introduction subtille d'Anita (Kirby Howell-Baptiste) et Roger (Kayvan Novak), ultimes
clins d'oeil à l'univers des célèbres Dalmatiens, eux-mêmes
véritables acteurs de l'histoire.
Le réalisateur Craig Gillespie semble avoir obtenu carte blanche
(et noire !) de la part des Studios Disney, lui permettant de
développer son univers à travers une atmosphère unique.
Cruella
n'est pas un blockbuster classique, mais une oeuvre personnelle. Dans le
visuel historique des années 70, le Londres de Cruella est
résolument punk et rock, comme en témoignent les costumes et la bande-originale,
mélant avec enthousiasme la partition de Nicholas Britell aavec les titres phares de l'époque, des Bee Gees à Queen.
Cruella s'affranchit de tous les codes habituels du label Disney pour
livrer une origin story inoubliable. Méchamment original et percutant,
Cruella offre une nouvelle mythologie à un personnage mythique, porté par un
casting et une musique flamboyante.
