Depuis plusieurs années, le Marvel Cinematic Universe tourne en rond. L'âge d’or des Avengers semble révolu, remplacé par une série de films et séries tièdement reçus, peinant à fédérer le public. Face à l’érosion du succès des dernières productions du studio — tant critique que commercial —,
Thunderbolts* s’avance comme une tentative de redonner un nouveau souffle à la franchise. Mais loin de chercher à reproduire la recette des succès passés, le film opère un virage intriguant. Ici, pas de sauveurs planétaires en armures brillantes :
Thunderbolts* mise sur des personnages secondaires abîmés, marginalisés, hantés par leur passé. Une proposition audacieuse, risquée, mais qui mérite qu’on s’y attarde.
L’histoire rassemble une escouade improbable d’ex-agents, super-soldats et parias du MCU : Yelena Belova, Bucky Barnes, John Walker, Red Guardian, Ghost et Taskmaster, tous recrutés par une hiérarchie opaque pour une mission secrète à haut risque. Ces antihéros doivent collaborer malgré leurs passés conflictuels et leurs motivations divergentes. Le film mêle action, tension psychologique et enjeux politiques, explorant les zones grises de l’héroïsme. Très vite ce n’est plus la mission qui importe, mais ce que cette dernière révèle des failles, des traumatismes et des conflits internes de chacun.
Thunderbolts* n’est pas un film de super-héros au sens classique, c’est un drame sur des individus en quête de sens, prisonniers de leurs actes passés, oscillant entre culpabilité, rejet et besoin de rédemption. Le film aborde frontalement des thématiques rarement explorées dans l’univers Marvel : la dépression, la bipolarité, la manipulation institutionnelle, le poids écrasant des erreurs passées, et surtout l’impossibilité d’avancer quand on est défini par ce que l’on a été. Il s’en dégage un ton plus âpre et plus adulte, qui rappelle par instants le style des productions indépendantes.
Si l’intention est claire, la mise en œuvre l’est parfois moins. Le scénario, bien que porté par de vrais élans dramatiques, souffre de ruptures de rythme et d’un traitement inégal des personnages. Certains arcs — comme ceux de Bucky et de Yelena — bénéficient d’un vrai soin narratif, explorant la fragilité et la lassitude de personnages que la violence a consumés. D'autres, en revanche, peinent à décoller ou semblent sacrifiés sur l’autel du tempo du film, notamment Taskmaster ou Red Guardian, souvent réduits à de simples fonctions. N’était-ce pas le risque encouru à mettre au premier plan des personnages habituellement secondaires ?
Côté casting, le film peut s’appuyer sur des interprètes solides. Florence Pugh reprend son rôle de Yelena Belova avec intensité, offrant un mélange efficace de dureté et de fragilité. Loin du second rôle sarcastique qu’elle tenait dans Black Widow, elle compose ici une héroïne fatiguée, désillusionnée, mais toujours animée par une étincelle d’humanité. Pugh parvient à incarner la complexité de la souffrance sans jamais sombrer dans la caricature. Son jeu est subtil, tendu, à fleur de peau : il s’agit clairement de l’étoile montante du MCU. Faisant figure de vétéran dans cette nouvelle équipe,
Sebastian Stan (Bucky Barnes) poursuit son cheminement intérieur, toujours tiraillé entre sa part d’ombre et son désir de rédemption.
Wyatt Russell, en John Walker, s’affirme davantage, plus nuancé que dans Falcon and the Winter Soldier. L’alchimie de groupe fonctionne globalement, sans toutefois égaler celle des grandes équipes du MCU, icones cinématographiques qu’il sera bien difficile de déloger.
Visuellement, Thunderbolts* se démarque par une photographie plus sombre et désaturée que les autres productions Marvel. Les couleurs froides, les décors urbains et les ambiances confinées accentuent le climat de tension et de malaise latent. On saluera également le tournage dans de vrais décors, limitant les fonds verts envahissant les précédents films de la saga. La mise en scène de
Jake Schreier est efficace mais reste toutefois très fonctionnelle, sans grande audace. On sent une volonté de sobriété, mais elle ne débouche pas toujours sur un langage visuel fort. La musique signée
Son Lux, reste dans les clous, accompagnant les scènes sans jamais s’imposer. Trop discrète, on aurait souhaité un nouveau thème identifiable aux Thunderbolts aussi fédérateur que celui des Avengers.
Enfin ! Avec une Florence Pugh remarquable, une volonté réelle de traiter des personnages tourmentés, et une approche plus terre-à-terre de l’héroïsme,
Thunderbolts* est une proposition originale dans un MCU en quête de sens. Il ne sauvera peut-être pas l’édifice à lui seul, mais il dessine les contours d’une nouvelle voie. Et c’est déjà beaucoup, en tout cas la meilleure proposition des Marvel Studios depuis Endgame.
