On l'attendait depuis La Ferme se Rebelle en 2004 ! Avec La Princesse et la Grenouille, les Walt Disney Animations Studios tentent de revenir aux fondamentaux

en proposant un nouveau long-métrage en animation traditionnelle dans les salles de cinéma.

Avec ce 49ème Grand Classique, les studios Disney espèrent redorer leur blason et prouver que

l'animation 2D n'est pas morte, malgré les succès presque provocateurs des gros blockbusters que

                                    présentent depuis plus de 10 ans les grands studios d'animation américains. Le défi est de taille : la promotion joue manifestement sur la nostalgie, en espérant attirer les fans de l'animation traditionnelle mais également tous ceux qui attendent désespérément, petits et grands, un nouveau "Grand Disney". Beaucoup ont nourri l'espoir de voir avec La Princesse et la Grenouille l'arrivée d'un quatrième "âge d'or", faisant écho à celui qu'avait initié La Petite Sirène il y a 20 ans. Car on l'a souvent observé, ce sont les Princesses qui ont su relever les studios à chaque période périlleuse (Cendrillon a inauguré le second âge d'or après le séisme de la Seconde Guerre Mondiale, Ariel a su redémontrer que Disney pouvait ravir ensemble enfants et adultes...). Tiana pourra t-elle relever le défi sur ses seules épaules ? Assurément, oui !

 

               

 

          Pour ce grand retour à la 2D, les réalisateurs Ron Clements et John Musker (La Petite Sirène, Aladdin, Hercule..) ont pris comme point de départ le conte de E. D Baker, La Princesse Grenouille, finalement peu connu en France. Le "renouveau de Disney" se devait de donner naissance à une nouvelle Princesse, le conte de fées étant le point d'orgue de la marque Disney dans beaucoup d'esprit et depuis plus de 70 ans. Voici le spectateur embarqué dans une trame narrative qui, si elle paraît au premier regard assez banale, se révèle bien plus complexe. Il n'était plus question de voir arriver un conte de fées comme on les faisait il y a 50 ans, et de ce point de vue La Princesse et la Grenouille se révèle être particulièrement moderne. Point de jeune fille en détresse qui cherche désespérément son prince afin de briller de milles feux au bal ! Si la publicité et le merchandising s'appuient sur l'argument du film de Princesse (le premier depuis Mulan, si tenté que l'on puisse considérer Mulan comme une princesse... merchandising quand tu nous tiens !), il n'en est finalement rien. Pendant les deux tiers du film, notre héroïne et son compagnon d'infortune sont métamorphosés en grenouilles (et oui... pas de bal ! Quoi que...). Le film de princesse se transforme alors en véritable "road movie" animalier dans le bayou... Et c'est ce "twist" scénaristique qui permet de donner toute sa profondeur au récit. Pour s'encrer un peu plus dans le réel, les scénaristes, sous les recommandations de John Lasseter (directeur de la création chez Disney Animation Studios et Pixar Animation Studios), ont choisi de planter le décors de leur histoire à la Nouvelle Orléans. Ajoutons à cela une intrigue prenant place dans les années 20, et nous voilà avec un récit totalement inédit, original et innovant, bien loin d'un conte de fée traditionnel. Pourtant les amateurs ne seront pas déçus, car tous les ingrédients du jour sont subtilement réunis : la jeune fille pleine de rêves, le beau prince, le méchant sorcier... sans oublier la marraine la fée, qui prend les traits d'une magicienne excentrique. A la manière de Lilo & Stitch, le scénario, de part sa richesse, plaira autant aux enfants qu'aux adultes en s'accordant plusieurs degrés de lecture, notamment en ce qui concerne la réussite financière.

 

               

 

          La Princesse et la Grenouille est un ainsi un Grand Classique réalisé en vue de plaire à toutes les générations, et cette opération de séduction passe par un humour fin et intelligent, souvent à plusieurs degrés de lecture, un humour proche de ce que l'on retrouve dans les productions PIXAR. La première partie du film pose des bases essentielles à l'histoire, malgré une introduction assez longue et finalement assez mièvre (n'ayez pas peur du rose bonbon !). Chaque personnage est présenté avec justesse et précision, et les quelques retournement de situations à venir sont finement amorcés. Nous nous plaisons à suivre le rêve de l'héroïne, Tiana qui travaille dur pour le réaliser. Nous nous délectons de l'arrivée du Prince Naveen en ville, sous le regard intéressé du sombre Dr Facilier. La richesse des intrigues tend malheureusement à retomber une fois nos héros transformés en grenouille, on assiste alors à un enchaînement linéaire de scènes plus ou moins mémorables (on aurait bien pu se passer des chasseurs de grenouilles...) qui sonne plus comme un parcours initiatique tel qu'on a pu en voir dans Le Monde de Nemo ou Volt, Star Malgré Lui, ce qui est finalement assez rare dans un conte de fées. Les scènes s'enchainent alors presque sans lien direct, ce qui a tendance à fortement ralentir le récit. Heureusement, l'évolution psycologique des protagonistes principaux est suffisamment audacieuse pour ne pas souffrir de ces lenteurs et mener le spectateur avec intérêt jusqu'au troisième acte, dont on ne voudra perdre aucune miette ! Finalement, sous une trame fondamentalement classique, les scénaristes ont su apporter des subtilités qui pourront démarquer La Princesse et la Grenouille des contes de fées traditionnels. Cependant, si ce projet est louable, aucun risque inconsidéré n'est pris, grand retour aux traditions oblige: le film marque une fidélité à toute épreuve à l'esprit des grands chefs-d'œuvre des années 90. Un bel hommage que tous féliciteront.

 

               

 

          Les qualités de La Princesse et la Grenouille reposent en partie sur l'incroyable galerie de personnages qu'elle met en lumière. L'héroïne, Tiana, tranche avec la tradition des princesses proprettes et ingénues, transition déjà amorcée avec Belle puis Jasmine... Tiana ne cherche pas le Prince Charmant, mais de l'argent ! Et oui, la demoiselle ne rêve pas de vivre dans un château mais d'ouvrir son propre restaurant. Un défi de taille pour une simple serveuse, si bien que la jeune fille peut paraître assez lisse. La première héroïne afro-américaine des studios Disney se devait d'être parfaite, elle l'est un peu trop. Heureusement, la voix ensoleillée de China Moses permet de recolorer l'héroïne qui ne tarde finalement pas trop à se faire aimer. Elle est cependant vite éclipsée dès l'arrivée du Prince Naveen, qui n'attire pas que l'attention de ses groupies. Nous ne pouvons que tomber sous le charme de ce héros atypique, insolant tel Kuzco mais charmeur tel Aladdin. Ce couple que tout oppose est rejoint par des personnages secondaires plus attachants les uns que les autres. Charlotte, la meilleure amie de Tiana, est sans doute l'un des personnages les plus appréciés du film. Une telle fougue, une telle personnalité, c'est une première dans un Grand Classique Disney ! Sans jamais atteindre le seuil de l'agacement, la jeune fille sera la source d'un bon nombre d'éclats de rire et son rôle plus qu'inattendu dans l'histoire lui permettra de se faire apprécier de tous. Pour renouer avec les traditions d'antan, rien ne vaut un beau méchant ! Ce rôle est dévolu à l'inquiétant Dr Facilier, malheureusement peu présent. Digne successeur de Jafar ou Hadès, son design épuré lui donne un charme envoutant. Le maître des ombres sait rester crédible à tout point de vue, et sa horde d'apparitions fantomatiques saura apporter quelques frayeurs aux moins téméraires. Chaque Grand Classique a droit à son duo comique, et ce sont Louis l'alligator et Ray la luciole qui s'en chargent, hommages déguisés à Louis Armstrong et Ray Charles. Avec ces deux personnages hauts en couleurs, les studios Disney nous mènent en terrain connu, notamment en ce qui concerne le charismatique Louis, doublé en français par Richard Darbois, célèbre personnalité du doublage qui a notamment prêté sa voix au génie d'Aladdin ou à Buzz l'Eclair de Toy Story. Anthony Kavanagh met toute son énergie et son humour dans le doublage de Ray. La délurée Mama Odie permet de transposer à une vieille magicienne de 197 ans le rôle généralement dévolu à une gentille fée. Une apparition certes rapide, mais qui montre une fois de plus tous les talents de l'animateur Andreas Deja et les qualités vocales et humoristiques de Liane Foly pour la VF.

 

               

 

          La Princesse et la Grenouille marque le retour des studios Disney à l'animation traditionnelle. De quoi montrer une fois pour toute et avec brio que le genre n'est pas mort. Cependant, après cinq ans de souris d'ordinateurs, certains animateurs semblent légèrement rouillés. Les personnages principaux, pris en charge par les grands noms de l'animation actuelle (Mark Henn, Andreas Deja, Eric Goldberg, Bruce W.Smith...) ne souffrent d'aucun défaut, mais on ne peut malheureusement pas en dire autant des rôles mineurs, notamment en introduction. Mais le plaisir de revoir enfin de l'animation traditionnelle sur grand écran n'est pas gâchée ! L'atmosphère de la Nouvelle Orléans est magnifiée par des décors somptueux, offrant une palette de couleurs magnifiques. La Princesse et la Grenouille montre encore une fois que l'animation traditionnelle apporte une chaleur et une poésie encore absente des productions 3D. On pourra malheureusement regretter l'absence de plans plus larges... les gros plans sont légions dans le film. De même, aucun risque visuel n'est pris du côté de l'animation : il n'est pas question ici d'innover ou expérimenter quoi que ce soit ! Je n'est relevé personnellement qu'un seul plan audacieux (où l'on traverse la foule du carnaval du point de vue de Tiana en grenouille) et il ne m'a pas semblé particulièrement réussi. On pourra simplement relever le parti pris artistique original pour la chanson "Almost There", sensé rendre hommage aux illustrations des années 20, tentative que j'ai trouvé sans grand intérêt et plutôt déroutante.

 

               

 

          La Princesse et la Grenouille marque aussi le retour aux grandes comédies musicales. Quoi de mieux que la Nouvelle Orléans pour proposer une partition follement jazzy ? Malheureusement, l'enthousiasme tombe vite à plat quand aucun instrumental ne se détache particulièrement. Je n'ai jamais été réellement fan de la musique de Randy Newman, compositeur émérite tout droit issu des studios PIXAR. Si une vraie couleur musicale est proposée, difficile de sortir de la projection avec un hymne en tête. Le constat est un peu moins pessimiste pour les chansons, et là je pense que c'est une question de goût. Je n'ai personnellement accroché qu'à "Gonna Take You There" et "Dig A Little Deeper". Peut-être est-ce le nombre trop important de chansons (huit au total, sans compter les reprises) qui provoque un effet overdose ? Ce sentiment de déception ne vient pourtant pas de la qualité d'interprétation, très satisfaisante tant en VO qu'en VF.

 

               

 

          Tout grand film comporte ses scènes cultes. J'ai particulièrement été impressionné par la scène de sorcellerie vaudou visuellement très réussie. La séquence "Dig A Little Deeper" reste assez proche de ce que l'on a pu apprécié chez La Petite Sirène avec "Sous l'Océan". Le final est d'excellente facture, principalement le passage de la transformation des deux amphibiens en couple princier, plein de poésie et d'enchantement. Peut-être la meilleure du film! La scène dans le cimetière est en outre d'une bonne intensité, et propose une alternative où l'issue est encore incertaine... Avec regret, je dois dire que le film souffre grandement de l'absence d'une véritable scène hallucinante, celle qui vous scotche à votre siège et qui participe au bouche-à-oreille. La Petite Sirène a eu la tempête, Aladdin la Caverne aux Merveilles, Le Roi Lion la débandade des gnous... Ici rien n'est fait pour impressionner le spectateur. Ainsi la scène de carnaval se révèle anecdotique alors qu'elle aurait pu être le théâtre d'une magnifique mise en scène, à l'image de ce qui s'est fait il y a presque 15 ans avec Le Bossu de Notre Dame. De même, l'introduction a pris un parti pris très intimiste, bien loin du Prologue passionnant de La Belle et la Bête ou de la magnificence du "Cycle de la Vie" du Roi Lion...

 

               

 

          La Princesse et la Grenouille est certainement l'un des Grands Classiques les plus réussis de la décennie. Il est encore trop tôt pour parler d'un nouvel âge d'or, le succès du film en salle est d'ailleurs loin d'être satisfaisant à l'heure actuelle. Mais je suis sûr que La Princesse et la Grenouille est de ces films qui murissent avec le temps  et deviennent culte à l'occasion des sorties vidéos et de mises en avant marketing. Ce 49ème Grand Classique n'a rien de prétentieux et renoue avec la qualité des belles histoires d'autrefois. Avec la renaissance de l'animation 2D et la première princesse noire des studios, le film ne doit pas passer inaperçu ! C'est à chacun de se forger sa propre opinion en allant directement découvrir le film en salles : on réclamait du "pur Disney", on nous en a donné, il faut maintenant le défendre. Moi, mon avis est déjà fait : avec des personnages aussi attachants, une histoire qui joue astucieusement entre le classique et l'inattendu, un humour subtil et une atmosphère inoubliable, j'attends avec impatience la sortie vidéo !

 

 

 

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