Produit en pleine pandémie de Covid-19,
Raya et le Dernier Dragon marquera
l'histoire des Walt Disney Animation Studios. Changement de
réalisateurs et de casting, animation à distance, sortie cinéma
repoussée de quatre mois aux Etats-Unis en simultanée avec un accès
payant sur Disney+ : la genèse du 59ème long-métrage du studio
historique n'aura pas été de tout repos. Pourtant,
Raya et le Dernier Dragon s'en sort
plutôt honorablement, en proposant une histoire inédite au sein d'un
univers fantastique dépaysant.
L'histoire se déroule dans le royaume imaginaire de Kumandra,
inspiré des légendes de l'Asie du sud-est, une culture rarement
explorée dans le cinéma occidental. Raya et le Dernier Dragon est donc
une invitation au voyage et à l'exotisme, proposant un monde inédit
et flamboyant, propice à l'imaginaire. Un surnaturel qui prend la
forme de dragons, créatures fantastiques particulièrement à la mode
ces dernières années avec la saga animée Dragons et la
série acclamée Game of Thrones. Soutenue par des décors
somptueux et une atmosphère unique, l'histoire se révèle innovante.
Il y a plusieurs siècles, humains et les dragons vivaient en
harmonie. Mais pour sauver l’humanité des Druuns – des monstres
malveillants –, les dragons se sont sacrifiés, si bien qu'un seul
dernier dragon aurait survécu.
Retrouver ce denier dragon légendaire est la mission de Raya,
nouvelle princesse Disney. Dans la lignée des héroïnes modernes,
Raya prend en main son destin et s"impose comme une guerrière
redoutable. Solitaire, toujours sérieuse et aux traits finalement
peu inspirés, Raya se révèle être une héroïne finalement peu
charismatique. L'équilibre est rétabli avec Sisi, la révélation du
film, au design particulièrement original tant sous ses traits
reptiliens qu'humains. Une flamboyance qui écrase malheureusement
notre héroïne principale, en particulier grâce à son formidable
capital sympathie et de belles séquences de comédie. Après une
introduction poussive, la réunion des deux personnages donne enfin
son rythme au film.
Un voyage initiatique en duo, qui s'amorce comme un road-trip au
sein des différentes régions de Kumandra. Malgré une richesse
visuelle évidente, la visite successive des cinq royaumes (chacun
ayant le nom d'une partie du corps d'un dragon) impose une linéarité
devenue trop facile. Presque mathématiquement, chaque région
présente ses nouveaux personnages, dont aucun ne semble marquer
véritablement les esprits. Peut-être est-ce dû au parti pris du
réalisme dans les traits des personnages. Si la technique rend
généralement bien en animation traditionnelle, elle enlève une
certaine douceur et chaleur auxquels les studios Disney nous avaient
habitués pour leurs productions en CGI. L'aspect de Bébé Noi est
particulièrement raté, alors que le style semble mieux convenir à
Namaari, la rivale de Raya.
Les réalisateurs Don Hall, Carlos López Estrada, Paul Briggs,
John Ripa assument clairement la maturité de leur
récit, au delà des choix visuels pour leurs personnages. La
chorégraphie des combats, le dynamisme des poursuites, l'intensité
des confrontations sont des éléments particulièrement réussis.
Ainsi,
Raya et le Dernier Dragon est
clairement plus un film d'action qu'un conte de fées, en témoigne
l'absence de chanson. Une décision néanmoins déroutante tant
l'univers du film s'y serait prêté. Une déception d'autant plus
grande que la bande-originale de James Newton Howard manque d'un thème fort et
mémorisable, malgré quelques mélodies dépaysantes. Si l'on note
quelques éléments d'animation en dessous des standards de qualité du
studio, on ne peut que souligner la prouesse d'avoir mené la
production de
Raya et le Dernier Dragon à terme,
dans un contexte aussi contraignant.
Raya et le Dernier Dragon est une
épopée dynamique, originale et dépaysante qui assume ses qualités de
film d'aventure, bien plus que celles d'un conte fantastique. Des
qualité honorables vu le contexte de sa production. S'il est clair
que Sisu marquera durablement les esprits, le sort de son héroïne
plus effacée est sujet à débat, alors que la crise sanitaire ne
donnera pas au film la visibilité qu'il mérite.
